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160 jours à Fontevraud

Andrea Mastrovito

2020

Maestro.
C'est certainement le premier mot qui me vient à l'esprit lorsque l'on me demande d'écrire sur l'artiste Andrea Mastrovito, tant son travail semble s'approcher de l'excellence. Ma collaboration avec Andrea a commencé il y a plusieurs années lorsque nous avons travaillé ensemble pour l'exposition « Le monde est une invention sans futur » à la Fondation Bullukian, et quand on croise un jour le chemin d'un tel artiste, il est difficile de le quitter.

 

Personnalité aux multiples facettes et talents, aussi infatigable qu'inclassable, Andrea Mastrovito n'a pas peur des défis et continue de me surprendre à chaque nouvelle étape de son parcours artistique. Son œuvre est multiforme, à mi-chemin entre différents mondes et époques. Elle puise son inspiration dans de nombreuses références culturelles, philosophiques ou historiques et engage toujours un dialogue avec le présent, ce qui la rend prodigieusement vivante. Dessins, sculptures, installations, collages : les médiums employés par l'artiste sont variés et parfois surprenants, comme les vitraux colorés qu'il réalise en règles d'écoliers ou encore ses grandes installations de marqueteries incrustées de papiers. Les techniques traditionnelles et nouvelles se côtoient avec une grande justesse, et la force plastique qui se dégage de ses créations est bien réelle. Andrea Mastrovito conçoit chacune de ses expositions comme un voyage dans le temps et dans l'Histoire : il élargit en permanence notre imaginaire en inventant de possibles récits qui se superposent et retentissent avec notre mémoire collective. Nous sommes alors immergés dans un monde de symboles, où les sources ne sont jamais figées, surtout lorsqu'elles retentissent avec le lieu qui les héberge

 

Chef d'œuvre.

Voilà le souvenir qu'il me reste de ma découverte de l'Abbaye Royale de Fontevraud. Invitée à participer au jury de la Résidence Plantagenêt, j'ai eu la chance de découvrir ce lieu merveilleux un soir de décembre, presque seule en plein milieu de la nuit. Baigné de reflets crépusculaires, le monument en pierre semblait alors en sommeil, sans aucun bruit alentour ni visiteur à cette heure tardive. Cette rencontre avait déjà un goût d'inattendu et de solennel. Je commence alors à déambuler parmi les nombreux couloirs et jardins, à ouvrir des grilles qui mènent à des endroits cachés et je prends enfin conscience, au fil de cette errance, de l'ampleur et de la difficulté de la mission qui attend nos artistes : l'Abbaye Royale de Fontevraud n'est pas seulement un joyau de l'architecture médiévale en plein cœur du Val de Loire, c'est une expérimentation sensible du sacré qui devient brusquement tangible. Je réfléchis alors aux nombreux dossiers de candidature reçus pour la Résidence et à la lourde tâche qui nous attend dès le lendemain matin pour la réunion du jury : comment être au plus juste lorsque nous étudierons chacune des propositions ? Ma seule certitude est que l'artiste retenu devra porter un regard insolite sur ce lieu en tenant compte de son histoire tout en étant à la hauteur de cette immense architecture. Je continue alors à m'engouffrer dans ces espaces atemporels, où les pierres semblent nous murmurer des légendes cachées...

 

Magistrale.

De la rencontre entre l'artiste Andrea Mastrovito et l'Abbaye Royale de Fontevraud allait naître l'exposition « La légende blanche », en hommage au mythe d'Aliénor d'Aquitaine. Pensée pour le chœur de l'abbatiale et réalisée suite à la résidence de l'artiste à Fontevraud, cette immense installation, composée de six minutieux panneaux de marqueterie assemblés au sol, perturbe nos repères et nous invite à une traversée méditative du monument.

Pour réaliser ce travail titanesque et afin d'appréhender au mieux le mythe des Plantagenêt, l'artiste a travaillé sans relâche pendant plusieurs mois afin d'approfondir ses connaissances autour de la figure historique et symbolique d'Aliénor d'Aquitaine. Attentif à chaque détail, il a puisé dans les archives littéraires, dans l'iconographie médiévale mais aussi contemporaine afin de témoigner dans ses collages des multiples interprétations consacrées à cette figure mythique. Et parce que le souvenir d'Aliénor est immuable et inaltérable, Andrea Mastrovito clôture le parcours d'exposition avec la vision des quatre gisants, par la découverte d'une grande installation composées de livres ouverts qui fleurissent et continuent d'éclore à l'image de la vie éternelle.

Véritable aboutissement d'un projet qui met en lumière la splendeur de l'endroit, on déambule pas à pas dans l'Abbaye où l'on contemple, s'incline, s'agenouille devant ce sol sacré qui évoque la mémoire des résidents de l’église.

 

Sobre mais puissante, suggérant avec délicatesse tout un monde souterrain, l'intervention d'Andrea Mastrovito à Fontevraud se révèle comme l'expérience d'une déambulation qui touche de près au sublime.

 

Fanny Robin

Directrice artistique de la Fondation Bullukian et commissaire d'exposition.

© Site et photographies DR

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